Nous avions décidé d'y aller en train. Le trajet est déjà une aventure en lui-même. La gare de Franceville est située à quelques mètres du futur stage de foot en construction pour la CAN. L'accès y est donc plus ou moins chaotique, la route pour y arriver n'est pas goudronnée mais en latérite avec donc les flaques et crevasses associées.
Le bâtiment n'a rien d'exceptionnel, mais l'animation autour est très agréable. On retrouve des gamins vendant des paniers et le mamas proposant sandwichs et manioc pour ravitailler les voyageurs.
Il n'y a qu'un train de voyageurs par jour, alors on l'attend calmement dans un flegme très gabonais, en kongossant sous le palmier bien évidemment.
J'ai déjà mentionné le transgabonais dans le post précédent. Le transgabonais, un mythe de confort rudimentaire, d'horaires aléatoires et d'apprentissage de la patience, 14h pour traverser le pays de part en part. Il relie Franceville et Libreville en suivant plus ou moins le cours de l'Ogooué.
D'un point de vue pratique le transgabonais c'est une seule ligne de chemin de fer pour faire circuler trains de manganèse, trains d'Okoumé (Arbre typique du Gabon très utilisé dans l'industrie du bois, en particulier pour le contre-plaqué), train de passagers et train de marchandises. En effet, les paysages traversés ne sont pas vraiment les plus faciles pour y poser des rails et des tronçons entiers du parcours n'ont même qu'une seule voie pour les deux sens de circulation. Pour éviter les embouteillages, les trains circulent par ordre de priorité économique, et clairement les passagers sont en bas de la liste!
Les fameuses grumes d'okoumé
Puisque le week-end s'est décidé au dernier moment, nous n'avions des places qu'en 2eme classe, grrrr. Réflexion de riches, pensez-vous... pas tant que ça.
Il n'y a pas de clim à part l'air frais des fenêtres ouvertes, l'ai ambiant dépasse les 30°C. La porte finale de notre wagon et celle du train, ne ferme plus, une ficelle de cuisine tendue vers une amarre est la seule chose qui la maintient plus ou moins fermée. De toute façon sa fenêtre est cassée et les papillons de nuit GIGANTESQUES ne se privent pas de rentrer (j'éviterai, ici, mon paragraphe habituel sur mouches et moustiques, mais vous pouvez imaginer!). Le train est de nuit, bonne idée pour faire passer plus vite les 14 heures du voyage, moins bonne idée quand on est à 30 dans un wagon sans couchettes, juste des banquettes pour dormir. Au bout de quelques heures, les toilettes se mettent à puer dans tout le wagon, juste au moment où la fatigue du voyage gagne sur l'excitation de la nouveauté!
Au moment d'aller se dégourdir les jambes et se divertir un peu, on pourrait choisir d'aller faire un tour au wagon restaurant. Petite balade sans trop d'intérêt, me direz-vous, pourtant quand on voit les tôles métalliques bringuebalantes qui permettent de passer d'un wagon à l'autre, la balade se transforme en aventure.
Je suis quand même impressionnée par les enfants gabonais. Le train était remplie de ces petites créatures, qui en France, ont une nette tendance à être désagréable dans les transports en commun. Vu les conditions du voyages, ils auraient eu toutes les raisons de râler. Ben non, là les mioches pas un seul mot, pas un seul cri ou même bruit! Sages comme des images même quand tout leur visage criait la fatigue.
Heureusement, on peut faire quelques pauses selon les arrêts. Bon après, notre wagon étant le dernier il faut bien faire 50m dans les herbes hautes avant d'arriver au quai, mais qu'est ce qu'on ne ferait pas pour se dégourdir les jambes!
Je vous présente Marion, au tee-shirt turquoise, Sarah et moi, inaugurant mon foulard bleu et mon virage gabonais du même coup!
Alors évidemment, comme ça à première description le transgabonais ne doit pas vous paraître très alléchant, et pourtant maintenant que je suis tranquillement assise sur ma chaise de bureau, je lui trouve un charme certain. Peut être ces gens qui dorment à même le sol sur les boubous emmenés spécialement pour l'occasion, le calme de tout le monde devant tant d'inconfort, pour lutter contre la longueur du voyage on s'occupe d'une façon ou d'une autre : les petites filles sont tressées, les bières allégrement avalées,....
A chaque station les mamas des villages alentours s'activent autour de la carcasse rouillée, c'est à qui vendra le manioc, des clémentines (aie aie aie n'imaginez rien de bon là dedans.... elles ressemblent plus à des citrons verts tant en couleur qu'en goût), ou autres sucreries. Tout ces accotés rendent les voyages pas si désagréables même si le retour se fera définitivement en avion!
Stop dans une gare près de Libreville, au petit matin
Après ces heures interminables, nous finissons par arriver à Libreville :
Nous passerons la journée avec des amis de Bart, à sillonner la ville. La ville est construite le long du front de mer, où les villas des riches gabonais ou d'expatriés français font face à la mer
et ses plages de sables fins, ...
parsemées de tous les détritus possibles et imaginables,
Pourtant c'est en s'enfonçant dans les terres, que l'on trouve le vrai Libreville, comme ils disent... celui où le bazar est la règle la plus suivie, où circulation et embouteillages sont devenus synonymes, où les boubous chamarrés déambulent un panier sur la tête, et le derrière dansant. Bruit et poussière complètent le tableau. S'y balader est juste éreintant!
Comme vous pouvez le voir l'intérieur de la ville est aussi cabossé que Franceville et le marché tout aussi attirant...
Le dimanche est dédié à la recherche de tissu :-) :-) Pour cela on part à Mont Bouët, le nom du plus grand marché du Gabon mais aussi du quartier tout autour.
Après quelques essais de négociation de ma part, Bart, sans doute désespéré devant si peu de savoir-faire, a pris les commandes. Et là, on a pu observer LE maître! Attention à vos calepins... cependant je vous préviens, je ne suis pas responsable des dégâts collatéraux que peuvent entraîner ce genre de marchandages une fois essayés au vide-grenier de votre quartier!!
1 er atout de taille, Parler le wolof (langue majoritaire au Sénégal, certes ce n'est pas donné à tout le monde, mais bon commencez pas à faire les difficiles!). La plupart des marchands, des chauffeurs de taxi, des tailleurs sont des immigrants de l'Afrique de l'ouest, et là le Wolof ça te fait gagner des points! Ça donne des conversations oniriques où les négociations sur le prix du pagne s'entremêlent allègrement avec les derniers potins sur la vie sénégalaises et des débats sur le bien fondé de nouvelles installations routières à Libreville ! Les brides de conversation sur le prix en lui-même valent aussi le détour : "Regarde la femme, elle est toute maigre. J'peux pas acheter le tissu à 7000, comment je lui donne le riz après?? Tu ne veux que je lui donne le riz, c'est ça?" ce à quoi le marchand réplique, "Tttttttttttt, elle est jolie la femme, si t'as pas l'argent pour l'honorer, elle va trouver mari ailleurs"....
Je n'ai pas réussi à savoir s'ils avaient réellement conscience de la comédie à laquelle ils se prêtaient! En tout cas, au final, nous avons réussi à avoir de bonnes réduc'! J'espère vite vous montrer quelques tenues!
Petits aperçus d'un marché haut en couleur,
Après ce marathon de palabres, il faut reprendre un peu son souffle. Les quelques vendeurs de thé bien chaud et bien sucré sont une bénédiction. Plusieurs passants ce sont arrêtés pour voir la Blanche boire le thé des africains... Pas facile le statut d'animal de foire.
Le marché est interrompu à l'heure de la prière. Même si le Gabon est de traditions Chrétienne et Animiste, la plupart des marchands étant de l'Afrique de l'ouest sont musulmans. Chacun à côté de lui une théière en plastique recyclé pour faire ses ablutions et l'appel est lancé par le vendeur de cassettes piratées au beau milieu du marché. Le marché fonctionne très bien de cette façon. Comme quoi, chère Homonyme, vos amalgames sont très réducteurs !
L’avenue du front de mer, dont je vous parlais plus haut, se prolonge par le Boulevard Triomphal, tout un programme ! C’est là où sont regroupés les ministères et ambassades. Tous construits dans les 50 dernières années, et quelques architectures qui attrapent l’œil ! J’ai particulièrement aimé le ministères des eaux et forêts :
http://gaboneco.com/show_article.php?IDActu=19695
A intervalles réguliers, il nous a bien fallu entrecouper ces activités de pause « remplissage de ventre ». J’ai pu découvrir quelques autres plats…intéressants. Tout d’abord le poulet Yassa, qui est en fait un plat sénégalais composé de poulet, donc, accompagné d’oignons revenus en quantité ! Très bon et mais peu aventureux pour nos papilles occidentales. Pour perturber nos sens, il vaut mieux goûter le Dongo-dongo. Le nom fait déjà rêver, non ? C’est un plat très gluant fait à base d’un légume appelé gombo
http://www.bonaberi.com/ar,_le_gombo_efficace_contre_les_hemorroides_,4480.html (pas de commentaire sur l'article d'origine de cette photo!)
dont l’intérieur a une consistance proche du blanc d’œuf, et pour rajouter dans la gluanterie les gombo sont revenus dans un bouillon de peau de bœufs. Evidemment, on rajoute un peu d’épices, un cube Maggie (comme toujours !) et de piment, et voilà ! C’est prêt !! Pour refaire cette recette dans vos soirées en ville, accompagnez-le de Gari. La meilleure description du gari serait d’imaginer un gâteau de semoule mais dont la semoule n’est pas faite avec de la farine de blé mais avec du manioc. Je vous dis le manioc est partout ! Opinion perso, le dongo-dongo n’est pas si mauvais que ça en a l’air mais l’écoeurement vient quand même assez vite ! Il paraît que c’est ce qu’il faut manger pour avoir le « bodge »(=le derrière !) des mamas du marché !!
Autre détail sympa des restos, ici point de moineaux grassouillets pour finir les restes. A la place, les margouillats font les poubelles.Même cause, même conséquence, les lézards sont tout aussi gras que nos moineaux. Le lézard de 15cm avec une frite dans la gueule, rodant sous les tables sans aucun peur de l’homme, c’est surprenant ! Frites à la place d'insectes : le régime alimentaire de ces bestioles me paraît bien flexible!
Le plaisir de Libreville, c'est aussi de faire les courses dans un supermarché presque comme en France. Je vous entends déjà vous moquez de moi, vous ne connaissez pas le bonheur de trouver un rayon « soupe en brique » de plus d’une brique… Tomate, potiron, poireaux-pomme-de-terre, … Ô Miracle ! Ô Joie !! Je les prends tous ! M'Bolo ou le plus grand centre commercial du Gabon regroupe un supermarché Casino et tout un tas de boutiques. Surprise, on retrouve là, entassés tout les symboles de la consommation à l'occidentale : le carrelage froid, les produits aseptisés sous plastiques, les néons blafards,.... On est bien loin des maquis et autres épiceries. Heureusement quelques lanières de boubous dépassent de l'uniforme internationalement neutre des caissières, et nous rappellent que nous sommes bien en Afrique.
Le lundi, Marion et moi allons au musée puis au marché artisanal pendant que Bart cherche sa voiture.
Quelques exemples de huttes traditionnelles à l'entrée du musée :
Elles confirment notre impression de la petite taille du Gabonais moyen!
L’exposition actuelle du musée porte sur les masques rituels et leur signification. Le tour est très vite fait et j’aurai quelques propositions à faire en terme de muséographie mais bon c’était néanmoins intéressant !
Au marché, nous nous appliquons à mettre en pratique les leçons de la veille quant au marchandage : ne pas se montrer très intéressée par le produit, proposer la moitié du prix de départ, bavarder sans chercher à négocier de directement, faire la comédie, et bien s'amuser au final! On en ressort très fières de nous : « Chapeau ma fille, on a bien négocié ! ». Le soir même, nous retrouvons les garçons pour un poisson grillé dans un maquis. Nous leur racontons bien évidemment nos exploits. Eclat de Rire Général ! Ah oui, vous croyez les avoir eu?? Rassurez-vous, quelque soit le prix de vos babioles, ils vous ont eu !!J'aime le discours à l'Africaine. J'ai pu mieux le cerner pendant le week-end nous étions que deux blanches au milieu d'un groupe d'amis gabonais. Les émotions ne sont pas retenues, nous dirions qu’elles sont exagérées. Mais c’est un vrai bonheur de les entendre parler. Quand on va au resto, ils ne peuvent pas s'empêcher « séduire la serveuse » dirait un observateur non-averti. Je dirais plutôt que c’est un hommage à son statut de femme et que nous sommes toujours dans cette idée de comédie généralisée où les expressions sont démultipliées. "Tttttttttttttttttt, Mama, mais tu as un problème avec moi ou quoi? Pourquoi tu me donnes ce poisson ! », au moment de payer «Alors mama combien est ce que tu nous dois??", je crois que la grosse majorité des serveuses françaises en auraient eu déjà marre de ces 3 lourdeaux, pourtant, ici, le jeu est compris de tous et la serveuse en question en a bien rigolé.
Dans le même esprit, les blagues gabonaises sont impénétrables pour nous. Exemple : C’est un mec qui roule en plein milieu de la forêt sur une route très isolée. Déjà une heure, qu’il n’a croisé aucune voiture. Et là sur le bord, un vieillard revenant du champ fait de l’auto-stop. Mais le mec n’est pas dans un bon jour, non il a vraiment la flemme de s’arrêter pour aider l’auto-stoppeur et continue donc sa route sans s’arrêter. Au bout de quelques mètres, il jette un coup d’œil dans le rétroviseur, et là sur sa banquette arrière, le vieillard lui fait un signe de main : « c’est bon, j’ai réussi à monter ! » XD XD XD Que celui d’entre vous qui a ri de cette blague, me jette la première pierre !
Cette blague racontée en présence de gabonais a un fameux succès. Ils peuvent discuter de la chute pendant 30 min, entre deux éclats de rire et de tapes dans le dos, devant l’hilarité de cette blague. Et le mieux, c’est quand en voyant notre impassibilité, ils tentent de nous l’expliquer : « ben tu comprends pas, le vieux est monté dans la voiture sans qu’il se soit arrêté !! »smiley Finalement, le cirque autour de la blague est bien plus drôle que la blague en elle-même !Ah oui et dernière gabonitude trop mignonne, j’adore quand dans l'hôtel on nous appelle Mme Marion et Mme Marine. Toujours cette hiérarchisation de la société. Les chercheurs au CIRMF sont appelés Dr Benjamin ou Dr Barthélémy par exemple, par des employés « moins gradés ». Je trouve ça adorable.
Le week-end aura été riche en culture gabonaise même si cet apprentissage s’est fait plus par le contact avec des gabonais plutôt que dans les monuments ou les musées. De toute manière, il n’y en a que très très peu ici ! Il faudra bien revenir à Franceville. Le retour se fera en avion, comme toujours, dans un petit coucou. Mais après le voyage difficile en train je ne vais pas me plaindre sur les normes de sécurité des avions gabonais. Ça ne m’empêche pas de rire en voyant notre équipage, somme toute très scandinave : De grands vikings blonds et costauds qui dénotent dans le paysage. Pour preuve notre steward a passé les 90 minutes du vol la tête rentrée dans les épaules pour pouvoir circuler dans l'allée de l'avion! L'absurdité est poussée jusqu'à son paroxysme puisqu'ils ne parlaient que l'anglais alors que les gabonais parlent très mal cette langue! Mais bon, nous ne sommes pas à une aberration près.
Je profite un peu plus de mon voyage que pour le premier aller. L’avion permet de prendre réellement conscience de ce que tous les guide de voyage annonce en introduction dur le Gabon : « Recouvert à 80% de forêt tropicale ! » Une étendue impénétrable, que perturbent seulement l'Ogooué et quelques pistes de latérites. Seule leur largeur permet, d’ailleurs de distinguer les deux !
Truc cool du jour : J'ai fini par réussir à prendre en photo un gecko pour Isabelle! OUFF c'est pas facile ces bestioles s'en vont dès que tu fais un peu de bruit !!
Truc pas cool du jour : je sors tout juste d’une semaine d’angine… oui oui une angine, qui aurait l’idée de se choper une angine au Gabon, hein ?
Très sympa ton article, j'ai l'impression de revenir quelques année en arrière.
RépondreSupprimerTon article m"a permis de me remémorer certains termes et quartiers de LBV que j'avais oublié.Merci pour ce rappel après 13 ans.
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