Potos, le centre-vie de Franceville

Après toutes ces épopées, il faut aussi vous raconter mon exotique routine. A faire ses courses, on devient une aventurière hebdomadaire. Je m'excuse d'avance, il n'y aura pour l'instant aucune photo, ici. Il est très mal vu de prendre en photo des scènes de rue. Certains m'expliquent que c'est assimilé à du voyeurisme d'autres que c'est la peur du Vaudou qui explique cela. Quoi qu'il en soit, j'essayerai d'en faire quelques unes que je rajouterai au fur et à mesure.

Pour revenir à nos moutons, pour se nourrir vous avez le choix, ici, entre la supérette SuperCéKado, les petites épiceries des "Libanais" ou alors le marché.

Nous voilà, guerrières, prêtes pour les courses! Mettons que nous commencions par le SuperCéKado (dont les prix sont loin d'être Kado, d'ailleurs!). Rayons frais, conserves, "surgelés", boissons, à première vue, très semblable à une supérette française... En y regardant de plus près, cependant, on peut noter que les rayons sont tour à tour en rupture de stock, que les surgelés sont très très loin de suivre une quelconque chaîne du froid, que les produits sont tous plus ou moins issus des rebus de l'industrie européenne (vous visualisez les coins bonnes affaires des supermarchés où sont mis les produits avec défauts.... et ben là c'est partout!), les caisses ne roulent, n'acceptent pas les cartes bancaires... Non Non nous ne sommes pas en France mais à Franceville.

En parlant de caisse, on notera également, un muet-gesticulant, s'époumonant à mettre lui-même Tes affaires dans Tes sacs et ensuite à les porter jusqu'à Ta voiture, en espérant évidemment quelques unes de Tes pièces. Et attention, il sera fâché si le pourboire n'est pas à la hauteur de ses espérances! Avec un peu d'habitude, on arrive à détourner ses attaques et même commencer à faire un peu connaissance. Moment qu'il choisi pour nous montrer son tout nouveau téléphone... Mais où est ce que je me suis fait avoir???

Dans le même esprit, un soir, un petit garçon de 6 ou 7 ans nous propose de ramener le caddie pour nous. L'esprit affuté, j'anticipe le stratagème. Ma croyance humaniste refuse de donner une pièce à un enfant potentiellement exploité par ses parents au lieu d'aller à l’école.... blabla.... Principe à deux francs six sous, mais principe tout de même! Je lui propose, donc, qu’on aille le remettre tous les deux ensemble… histoire de faire copain-copain… (ouais bon les sourires narquois c'est pas la peine, hein! On ne me changera pas!) Évidemment c'est un bid complet! Il veut y aller tout seul pour mériter sa pièce… Je ne me décourage pas, deuxième tour de passe-passe : une mama vend des beignets un peu plus loin, je lui en prends un plein sachet. Au moins ce sera lui qui profitera de sa bonne action! Deuxième refus, il se moque royal de mon sac de beignet! Il veut une pièce! "Mais elle est bête cette Blanche, elle comprends rien!" Mais au final, je n'ai pas cédé! Je n'ai pas participé à l'exploitation des enfants! Est ce que je m'en sens plus fière, je ne pense pas... un peu trop déconnectée de la réalité sans doute mais au moins je n'aurai pas cédé sur un de mes seuls principes!

Voilà pour ce qui est du SuperCéKado, complétons nos courses chez les Libanais. C'est un bon repère quand on veut quelques articles un peu plus luxe : du chocolat sympa, des produits "beauté", de la vaisselle ou des casseroles et puis un peu de nourriture aussi.... mais cette dernière partie je n'ai pas encore testé... J'ai du mal à passer au-delà des congélos remplis de viandes non emballées et aux couvercles défoncés. Fouiller à main nues dans un congélateur rempli de cuisses de poulet sans strictement aucun emballages, peau contre peau, bizarrement ça me plaît moyen!

La rue des Libanais

Après cet arrêt il faut encore se fournir en fruits et légumes au marché.

Je pense qu’il y a quelques temps le marché principal était couvert et autour se trouvaient quelques marchands à ciel ouvert… depuis, les limites sont devenues plus floues…

Certaines parties sont couvertes et d’autres pas , mais il n’y a aucun mur pour les délimiter. Ainsi, de façon surprenante, le toit, ici, est une notion flexible… Un toit ca peut être fait d’ardoises, de tuiles, de plaques de zinc, de toiles ou tout simplement d’un grand parapluie suspendu ! (dont tu prends le manche dans le nez régulièrement aussi d’ailleurs).

Du sol au plafond, même combat, terre battue, béton ou carton ? Vous pouvez choisir! Il faut juste éviter les flaques d'eau douteuses.

"Maribelle, si tu m'épouses, ta progéniture ainsi que la progéniture de ta progéniture vivra dans l'opulence et le luxe" "Carlos, pourquoi insistes-tu ainsi. Ne sais-tu pas que mon cœur est depuis toujours pris par Rafaelo??" Toutes les échoppes arborent leurs atroces télévisions diffusant d'atroces soap-opéra. Les séries sont internationales. Mes préférées : celles venant de Bollywood. Même en hindi et sans sous-titres, le scénario est, ma foi, très compréhensible! La bêtise n'a pas de frontières.

Ce serait médisant de dire qu'il y a strictement aucune organisation. On peut en déceler une ombre, les torchons et les serviettes ne se mélangent pas. Pas plus que les tissus et les poissons qui puent (l’idée n’est pas mauvaise !). D’ailleurs ceux-là sont excentrés, bannis par les autres ?? L’odeur est franchement immonde, poisson fumé à l’odeur âcre, tout en ayant les pieds dans la terre battue mouillée rien de tel pour ne pas vous mettre en appétit !

Au centre, il y a l’allée des mamas aux fruits et légumes. Tous les jours du lever du soleil au coucher, elles sont là et tentent de t'attirer. Leurs armes secrètes, vous héler au passage, « Ma copine, regarde mon ananas,… » Alors évidemment tu te sens intégrer, importante et tu finis par acheter. Quelles filoutes ! De temps en temps elles tentent un « eh la blanche ! » mais elles se rendent vite compte que ça marche moins bien. Alors, elles s'adaptent, "Ah, les blanches de l'Afrique, y a pas la recette aujourd'hui, tu veux la papaye?"ça nous fait rire et c'est gagné!

Le marché devient leur maison, les enfants courent autour d'elles une fois l'école fini, les plus petits sont même allaités ou coiffées entre deux clients,

et puis quand la fatigue arrive, il n'y a plus qu'à s'allonger derrière son étal pour un somme réparateur. Le choix est limité mais la plupart sont toujours disponibles pour te donner une ou deux recettes (très utile, par exemple, quand on vient d'acheter des chenilles!). Et l'ambiance est telle que pour l'instant la routine est loin d'être installée.

Un peu à l'écart, il y a ceux que j’appelle les exclus du bord de la route. Ils ont l'avantage de la visibilité face aux clients mais sont régulièrement victimes d'un troupeau de chèvres esseulé passant en quatrième vitesse au milieu des étals de maniocs, CD, merdouillasses chinoises, chaussures bon marché,.... Et puis la circulation étant plus ou moins chaotiques les coins de leur présentoirs sont assez souvent rabotés dans les voitures.

Et voilà pour mon petit tour de marché! J'espère que vous avez trouvé tout ce qu'il vous fallait??
Du dépaysement, au moins!

Le truc cool du jour : je commence à avoir mes vêtements faits sur-mesure par mon petit tailleur
Le truc pas cool du jour: Il a fallu UN MOIS pour les avoir! et maintes maintes essayages!